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L’intérêt des présidents et des présidentes bénévoles d’OBNL

Ayant œuvré toute ma carrière dans le milieu des associations et des bénévoles, il était naturel que ma thèse de doctorat ait porté sur le sujet. Et c’est donc de l’intérêt et de la motivation des présidentes et des présidentes bénévoles dont il sera question dans cet article.

Un certain nombre d’événements ou de situations incitent les bénévoles à s’impliquer. Nous nous demandons si ces événements étaient bien de vraies motivations. Notre réponse est plutôt négative.

Ces situations ne sont, selon notre propre étude, que des « similimotivations », des éléments de vie qui ont amené des personnes à s’engager dans l’action bénévole. Ce que nous appellerons ici des « appâts ».

Notre recherche, qui consistait à découvrir les motivations véritables des présidents et des présidentes d’associations charitables, a pris la situation sous un angle rarement utilisé dans le bénévolat lorsqu’on fait référence aux motivations.

Après avoir interrogé en entrevue un certain nombre de présidents et de présidentes, nous nous sommes rendu compte que très peu d’entre eux et d’entre elles admettaient avoir eu une motivation pour commencer à faire du bénévolat.

Ces gens ne se sont pas impliqués dans le bénévolat avec l’idée précise d’aller chercher quelque chose de particulier.

Tous ces présidents et toutes ces présidentes exprimaient avoir accepté de faire du bénévolat plutôt suite à des circonstances particulières.

  • Pour certaines personnes, c’était parce que cela « faisait bien » en regard de la profession de son amoureux ou amoureuse;

  • Pour d’autres, c’était une question sociale et culturelle: ses grands-parents en avaient fait, son père en avait fait, sa mère en avait fait, bref, ceux et celles de son entourage en faisaient. Il était impensable de ne pas en faire;

  • Et pour d’autres, cela faisait partie de leur emploi; en fait, il ou elle faisait du bénévolat, mais ne voulait pas l’admettre jusqu’au jour où il a fallu reconnaître que non seulement le du bénévolat faisait partie de leur vie, mais également qu’il ou elle en faisait en plus la promotion.


Ces présidents et ces présidentes n’avaient donc pas de motivation, au sens de rechercher activement un avantage, un but particulier ou un intérêt quelconque, à faire du bénévolat.

Cependant, chacun et chacune admettait avoir retiré quelque chose du bénévolat. Notre recherche a donc été de découvrir ce qu’ils en avaient retiré et de découvrir si une motivation particulière n’était pas finalement derrière ces bénéfices.

Nous nous sommes alors inspiré de la théorie de Marcel Mauss, intitulée « essai sur le don » qui datait de 1925. Mauss a beaucoup étudié les civilisations d’Amérique, des Indes, de l’Australie en plus de faire des comparaisons avec les civilisations occidentales imprégnées de l’esprit chrétien.

À partir de ces observations, il a construit une théorie qui portait sur le don. Selon lui, dans tout don, il y a trois obligations. Autrement dit, lorsque quelqu’un fait un cadeau à une autre personne, il y a trois phénomènes qui y sont liés.

La première obligation est l’obligation de donner qui vient soit de la richesse de la personne, soit du statut social de cette personne, soit d’événements antérieurs, tels qu’avoir reçu un cadeau en retour d’un cadeau déjà fait à cette personne. Le fait est qu’il y a un fort sentiment que le cadeau doit être fait sous peine de passer pour une personne radine, voire d’être « cheap ».

La seconde obligation est celle d’accepter le don fait, d’accepter le cadeau qui nous est donné. En effet, essayez d’imaginer l’insulte que vous feriez à une personne s’il vous prenait l’envie de refuser un cadeau. Seul le désir, justement, d’insulter l’autre personne peut justifier un tel refus. Mais alors, il faut être capable de vivre avec l’insulte faite.

La troisième obligation découle du don: l’obligation de rendre le cadeau reçu. Pas trop vite, cependant, parce que cela serait perçu comme voulant tirer bénéfice du devoir de rendre. Il ne faut pas aussi que cela soit un cadeau « pareil ». Cela pourrait sembler que l’on redonne le même cadeau, sans avoir pris la peine d’en rechercher un autre. En fait, il faut attendre un certain temps, une circonstance favorable, pour rendre le cadeau reçu, et pour respecter les formes, il faut rendre un cadeau un peu plus beau, un peu plus dispendieux, que celui reçu. Sinon, un sentiment d’infériorité va se dégager. La personne aura l’impression d’être encore en dette envers l’autre personne « généreuse » donatrice.

Mauss complète sa théorie en disant qu’il n’y a pas de don qui soit fait sans qu’il y ait un bénéfice direct ou indirect qui soit recherché.

Lorsque le chef X faisait un cadeau au chef Y de la tribu voisine, il voulait se montrer magnanime, puissant, mais également il désirait obliger l’autre à lui, donc acheter en quelque sorte la paix, du moins pour un temps.

Le même phénomène se reproduit aujourd’hui. Lorsque je fais un cadeau à une personne, c’est d’abord pour démontrer que j’ai les moyens de faire un cadeau; c’est ensuite un gage que cette personne me sera redevable puisqu’elle ne peut pas refuser mon cadeau. C’est donc attendre d’elle qu’elle me rende d’une façon quelconque ce cadeau, sans quoi je considérerai en général qu’elle est en dette envers moi. Peut-être que cela n’est pas entièrement conscient, mais le phénomène existe bel et bien.

Sans vous demander de dévoiler à haute voix vos réflexions, pensez à une situation ou une autre où vous avez fait ou vous avez reçu un cadeau et analysez votre sentiment. Cette théorie s’applique magnifiquement bien au bénévolat.

« Le bénévolat est un don que l’on fait au bénéficiaire du don, que ce soit la communauté en général, une organisation spécifique ou un bénéficiaire particulier. »

C’est probablement à cause des trois obligations liées au don que les dames patronnesses, qui allaient faire « leur » bénévolat auprès de « leurs » moins nantis, ont acquis une si mauvaise réputation. La relation entre la personne récipiendaire, démunie, et la donatrice, bien pourvue, était d’une certaine façon perçue comme dégradante et donc de moins en moins souhaitable. La seule avenue de rendre le don de la part du bénéficiaire était la reconnaissance.

Mais c’est également, croyons-nous, grâce à ces obligations que les associations jouent un grand rôle dans la société en servant d’intermédiaires entre le bénévole qui donne à l’association, et non plus à une personne directement, et le ou la bénéficiaire qui ne sollicite pas directement une autre personne, une donatrice, mais bien l’association. Ainsi, un transfert se fait en regard de l’association des trois obligations et cela permet une plus grande justice sociale, en évitant le sentiment de dépendance du bénéficiaire envers le donateur ou la donatrice.

Pour paraphraser une vieille promotion de campagne de collecte de fonds, c’est à « Centraider » que l’on se fait du bien ».

C’est que, pour certaines personnes, l’association en question n’offre pas justement ce reflet de contentement, ce sentiment de se réaliser adéquatement; et donc, on cherche ailleurs. Alors que pour d’autres, l’association en question permet une croissance intérieure qui correspond exactement à ce qui est nécessaire au bénévole pour cheminer vers la présidence sur la voie de sa réalisation personnelle.

Roméo Malenfant, Ph. D. Concepteur de la Gouvernance Stratégique®

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